Qui diceris Paraclitus
Qui diceris Paraclitus
Homélie pour l’administration de la Sainte Confirmation
Qui diceris Paraclitus, Altissimi donum Dei.
Hymn. Veni, Creator
Aujourd’hui, nous célébrons la Vigile de la Pentecôte. L’ancienne liturgie baptismale de ce jour, abolie avec la réforme de 1955, a récemment été remise en usage par de nombreuses communautés qui suivent le rite tridentin, qui plus est avec l’autorisation de la Commission Ecclesia Dei. La raison de cette décision est à attribuer au fait que les auteurs de l’Ordo Hebdomadæ Sanctæ instauratus de Pie XII sont les mêmes que le Rubicarum Instructum de Jean XXIII et le Novus Ordo Missæ de Paul VI. En vue de récupérer les trésors du Rite traditionnel, cette redécouverte non seulement de la Semaine Sainte d’avant 1955, mais aussi de la liturgie de la Pentecôte, appelée Pâques des Roses, en mémoire de l’ancienne coutume de laisser tomber de la voûte de nos églises une pluie de pétales de roses, qui devaient représenter les langues de feu de l’Esprit Saint, est donc compréhensible. Cela se produit encore dans la Basilique de Sainte Marie ad Martyres, le Panthéon romain.
Sa nature baptismale rappelle la Veillée pascale, afin que les catéchumènes qui n’avaient pas reçu le Baptême le Samedi Saint – par exemple parce qu’ils n’étaient pas encore prêts ou malades – puissent être admis parmi les néophytes au cours de la fonction solennelle de ce jour. Cet ancien rite comprend la bénédiction du Font baptismal et l’administration du bain sacramentel, et nous rappelle la sollicitude de la Sainte Église, qui est Maîtresse en exigeant la préparation appropriée des candidats au Baptême, et Mère en leur accordant une occasion ultérieure à la fin du temps pascal. La lecture des prophéties constitue, selon Dom Guéranger, un évident rappel au Samedi Saint, avec le double symbolisme de la Pâque et de la Pentecôte juives qui s’accomplissent dans la Pâque et dans la Pentecôte chrétiennes.
Certes, le grand Pie XII, pour qui nous avons une profonde vénération, ne fut pas en mesure de percevoir dans ces premiers pas du renouveau liturgique, débuté dans les années Vingt du siècle dernier, la menace qui deviendra plus tard évidente avec la soi-disant « réforme conciliaire ». C’est pourquoi le retour aux rites antérieurs à 1955 ne remet nullement en cause son Pontificat ni son amour pour la Liturgie Romaine. Au contraire, nous pouvons reconnaître la ruse diabolique avec laquelle les Novateurs ont agi, qui, à petits pas, ont sapé le trésor inestimable du culte catholique. Au lieu de desceller ce magnifique patrimoine, fruit de siècles de développement harmonieux, ils ont jugé plus commode de les simplifier, démontrant en cela non seulement une mentalité complètement étrangère à une véritable compréhension de la divine Liturgie, mais aussi un mépris substantiel pour le saint Peuple de Dieu, considéré à tort incapable de se nourrir spirituellement en puisant à ses trésors. Mais cela, soyons clairs, n’était qu’un prétexte, une excuse – l’actuosa participatio, la participation active des fidèles – derrière laquelle se cachait la volonté de saper la foi, la lex credendi, moyennant la falsification de son expression priante, la lex orandi.
En fin de compte, les Novateurs révèlent leur manque de confiance dans l’action de la Grâce insufflée par l’Esprit Saint – qui agit également à travers la Liturgie – et dans la capacité de l’homme à y correspondre. Dans leur mentalité, rien ne doit nous mettre à l’épreuve, rien ne doit représenter une opportunité d’amélioration : tout doit être à la portée de tous, aucun trésor ne doit être descellé à ceux qu’ils jugent médiocres et ignorants ; ce qui trahit leur orgueilleuse conviction qu’ils sont supérieurs à leur troupeau. Ce classisme présomptueux ne se limite pas à l’extériorité, mais s’étend aussi aux questions intérieures, de sorte que pour les Novateurs l’ignorance de la Foi, l’accommodement indolent de la Morale, la paresse dans la Spiritualité et l’Ascèse doivent être la règle pour une masse qu’ils n’ont aucune envie de guider, d’instruire, d’admonester. Trop d’efforts, pour ceux qui d’abord ne croient pas, n’aiment pas, n’espèrent pas. Trop d’efforts, pour ceux qui sont occupés à construire une église à leur image, considérant l’Église du Christ et sa Liturgie comme dépassées et inacceptables. Pour cette raison, ils dépersonnalisent les individus et les anéantissent dans une assemblée sans visage et sans volonté à laquelle imposer une vision horizontale dépourvue d’élan surnaturel, dans la certitude qu’un rite qui exprime une autre vision ecclésiologique et doctrinale aurait fini par changer la Foi de ceux qui y auraient assisté – et c’est bien cela que nous avons sous les yeux.
Inversement, les bons Pasteurs sont les premiers qui, dans le sillage de la Tradition et dans la pratique constante et humble de ce qu’ils prêchent, ont la tâche d’indiquer de grands objectifs aux âmes qui leur sont confiées. Soyez saints, comme votre Père est saint (Mt 5, 48), Notre Seigneur nous exhorte. Et cette sainteté, faite d’héroïsme (même silencieux) et d’abandon généreux à la volonté de Dieu, est la réponse à la Grâce, qui rend possible pour Dieu ce que nous ne pourrions jamais accomplir seuls. Et aujourd’hui, avec l’administration de la Sainte Confirmation au jeune Gabriele, nous en avons la preuve : le Seigneur, qui nous appelle à être enfants du Père éternel et membres vivants de l’Église par le Baptême, fait de nous dans le Sacrement de la Confirmation, des soldats du Christ prêts à combattre le bon combat. Mais Il ne nous laisse pas seuls dans ce défi : Il nous fournit les armes spirituelles pour affronter l’Ennemi de notre âme. L’Esprit Saint nous donne ces armes très puissantes – gratuitement, comme tout ce qui vient de Dieu – précisément dans la Confirmation et dans tous les Sacrements : l’armure de Dieu, la ceinture de vérité, la cuirasse de la justice, les chaussures de la prédication, le bouclier de la Foi, le casque du salut, l’épée de l’Esprit, l’entraînement de la prière, du jeûne et de la pénitence (Eph 6, 10-20).
Ne soyons pas orgueilleux de ce que le Seigneur nous permet d’être, ni des succès que nous remportons grâce à Lui ; mais ne nous laissons pas non plus décourager ni par nos échecs, ni par notre faiblesse, ni par notre inexpérience dans le maniement de ces armes, ni par le manque de dextérité dans leur maniement. Répétons plutôt avec saint Paul : Je peux tout faire en celui qui me fortifie (Ph 4, 13).
Dans cette Veillée solennelle qui nous prépare à la descente du Paraclet, invoquons l’Esprit Saint avec la confiance de celui qui connaît avec réalisme et humilité sa propre faiblesse, mais aussi la puissance infinie du Seigneur Dieu des armées déployées, et celle non moins terrible de notre Auguste Reine, la Très Sainte Vierge Marie, terribilis ut castrorum acies ordinate . La guerre spirituelle que nous menons contre le monde, la chair et le diable a été gagnée sur la Croix, où Notre Seigneur et Dieu a vaincu l’ennemi ; où le lignage béni de la Femme couronnée d’étoiles et revêtue de soleil a écrasé la tête de l’ancien Serpent. Elle connaîtra la victoire totale à la fin des temps, quand encore une fois la Femme annoncée dans la Genèse et le fruit de Son sein extermineront l’Antichrist et Satan. Nous sommes au milieu de ce conflit historique, et si nous voulons triompher avec le Christ et sa Très Sainte Mère, nous devons combattre avec enthousiasme sous les insignes glorieux de notre Roi, protégés par l’armure que l’Esprit Saint – παράκλητος, c’est-à-dire défenseur, conseiller et avocat – met à notre disposition, principalement avec la Grâce conférée dans la Confirmation.
Nous avons des idéaux élevés, de grands défis, des duels passionnants à affronter. Avec l’aide de Dieu, en aura aussi le jeune Gabriele que l’Église enrôle dans ses rangs comme miles Christi, en l’équipant de tout l’équipement spirituel dont il a besoin, en lui prodiguant le soin de la Confession, en nourrissant sa force et sa vigueur de la nourriture surnaturelle de la Très Sainte Eucharistie. Gabriele : force de Dieu. L’Esprit Saint vous donnera aussi – comme Il a donné et continue d’élargir à chacun de nous – Ses Dons, le Septénaire sacré : sagesse, intelligence, conseil, force, connaissance, piété, crainte de Dieu.
Ne nous laissons donc pas décourager par ceux qui veulent que nous soyons faibles et désarmés, résignés et ignorants, afin de mieux nous frapper et nous vaincre : plaçons plutôt toute notre espérance en Dieu, qui nous appelle à l’héroïsme de la sainteté parce qu’Il nous veut à Sa droite au jour glorieux de la victoire, quand Il placera ses ennemis sous ses pieds (Ps 109, 2). Ainsi soit-il.
+ Carlo Maria Viganò, Archevêque
27 mai 2023
Sabbato in Vigilia Pentecostes