In Sanguine tuo

Mgr. Carlo Maria Viganò

In Sanguine tuo

Homélie pur la solennité extérieure
du Très Précieux Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ

Redemisti nos, Domine, in sanguine tuo,
ex omni tribu, et lingua, et populo, et natione:
et fecisti nos Deo nostro regnum.

Ap 5:9-10

Chers frères et sœurs,

tout dabord, permettez-moi de vous manifester ma sérénité desprit face à cette épreuve [le récent décret du Dicastère pour la doctrine de la foi]. Jai éprouvé la même paix intérieure quand, il y a quelques années, jai redécouvert la Messe traditionnelle, que depuis lors je nai jamais cessé de célébrer exclusivement. Celle-ci ma ramené au cœur palpitant de notre sainte Religion, me faisant comprendre quêtre uni au Christ Prêtre dans loffrande au Père éternel doit nécessairement se traduire par limmolation mystique de soi-même sur le modèle du Christ Victime, pour la restauration de cet ordre divin dans lequel la Charité nous consume damour pour Dieu et pour le prochain, nous montrant combien il est incompréhensible – et inacceptable – de modifier quoi que ce soit de cet ordre parfait que la Sainte Église anticipe sur la terre précisément en plaçant la Croix au centre de tout. Stat Crux dum volvitur orbis.

Depuis soixante ans, cependant, avec le monde, volvitur et ecclesia. Le corps ecclésial a également perdu son point de stabilité : hier, dans la folle tentative de sadapter au monde en adoucissant sa doctrine ; aujourdhui, dans la volonté délibérée deffacer la Croix, signe de contradiction, pour complaire au Prince de ce monde. Et dans un monde hostile à la Croix du Christ, il nest pas possible de prêcher le Christ, et le Christ crucifié, parce que cela résulte divisifpar rapport à une fraternité humainedont la paternité de Dieu est exclue. Il nest donc pas surprenant que ceux qui annoncent lÉvangile sans adaptations soient considérés comme desennemis. Les Chrétiens de toutes les époques, et parmi eux les Pasteurs en premier lieu, ont toujours été contestés, combattus et tués précisément à cause de lincompatibilité entre la Civitas Dei et la civitas diaboli. Le Seigneur nous l’a enseigné : « Sils mont persécuté, ils vous persécuteront aussi ; sils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre » (Jn 15, 20).

Il y a quelques jours, une église asservie au monde ma jugé pour schisme et ma condamné à lexcommunication pour avoir professé ouvertement la Foi que le Seigneur, avec la Consécration Épiscopale, ma ordonné de prêcher ; la même Foi pour laquelle les Martyrs ont été tués, les Confesseurs persécutés, les prêtres et les évêques emprisonnés ou exilés. Mais comment pouvons-nous penser que cest la véritable Église qui frappe ses enfants et ses Ministres, et qui en même temps accueille ses ennemis et fait siennes leurs erreurs ? Cette église, qui se dit conciliaire et synodale, est une contrefaçon, une contre-église, pour laquelle tout commence et finit en cette vie, et qui ne veut rien accepter déternel précisément parce que limmuabilité de la Vérité de Dieu est intrinsèquement étrangère à la révolution permanente quelle a accueillie et promue.

Si nous nétions pas persécutés par ceux qui sont hostiles à la Croix, nous devrions remettre en question notre fidélité au Christ, qui, de ce trône de douleur et de sang, a frappé à mort lEnnemi du genre humain. Si notre Ministère pouvait être tolérédune manière ou dune autre, cela signifierait quil est inefficace et compromis, ne serait-ce quà cause de lacceptation implicite dune coexistence impossible entre les contraires, dune herméneutique de la continuité dans laquelle il y a place pour la vérité et lerreur, pour la lumière et les ténèbres, pour Dieu et Bélial. Cest pourquoi je considère cette sentence du sanhédrin romain comme un motif de clarté : un Catholique ne peut pas ne pas être en état de schisme avec ceux qui refusent la Profession de la Foi dans la Charité. Il ne peut y avoir aucune communion avec celui qui, le premier, a rompu le lien surnaturel avec le Christ et avec son Corps Mystique. Il ne peut pas non plus y avoir dobéissance et de soumission à une version adultérée de la Papauté dans laquelle lautorité sest délibérément soustraiteau Christ, le principe premier de cette autorité, pour se muer en tyrannie.

Ainsi, de même que dans le choix moralement nécessaire de revenir à la Messe Apostolique, jai redécouvert le vrai sens de mon Sacerdoce, de même dans la décision de dénoncer lapostasie de la Hiérarchie moderniste et mondialiste, jai redécouvert le sens de mon Épiscopat, dêtre un Successeur des Apôtres, un témoin du Christ et un Pasteur dans son Église.

La timidité, le respect humain, les évaluations opportunistes, la soif de pouvoir ou la corruption ont conduit beaucoup de mes Confrères à faire le choix le plus simple : laisser le Seigneur seul dans sa Passion et se mêler à la foule de Ses bourreaux, ou même simplement rester là à regarder de peur daller à lencontre des grands prêtres et des scribes du peuple. Certains dentre eux, comme Pierre, répètent le Je ne le connais pas pour ne pas être amenés devant le même sanhédrin. Dautres restent enfermés dans leur cénacle, satisfaits de ne pas être jugés et condamnés. Mais est-ce cela que le Seigneur veut de nous ? Est-ce à cela quil nous a appelés, en nous choisissant comme Ses Ministres et comme annonciateurs de Son Évangile ?

Chers frères, bénissez avec moi ces temps de tribulation, car ce nest que dans linfirmité que nous avons la certitude daccomplir la Volonté de Dieu et de nous sanctifier par Sa Grâce. Comme le dit saint Paul : Ma grâce te suffit, car ma puissance saccomplit dans la faiblesse (2 Co 12, 9). Être des instruments dociles entre les mains du Seigneur est la prémisse indispensable pour garantir que Son œuvre soit vraiment divine.

Il nous est seulement demandé de Le suivre : Veni, et sequere me (Mt 10, 21) ; de Le suivre en laissant tout le reste, cest-à-dire faire un choix radical. Il nous est demandé de prêcher Son Évangile, de baptiser toutes les nations au nom du Père, du Fils et de lEsprit Saint, de garder fidèlement tous les préceptes que le Seigneur nous a ordonné dobserver (Mt 28, 19-20). Il nous est demandé de transmettre intact ce que nous avons reçu – tradidi quod et accepisans ajouts, sans modifications, sans omissions. Et de prêcher le Verbe opportune, importune, endurant tout : in omni patientia et doctrina (2 Tm 4, 2). Il nous est demandé de prendre notre croix chaque jour, de renoncer à nous-mêmes, dêtre prêts à monter au Calvaire et à être crucifiés avec le Christ, pour ressusciter avec Lui, pourparticiper à Sa Victoire et à Son Triomphe dans léternité bienheureuse du Ciel. Il nous est demandé de compléter dans notre chair ce qui manque à la Passion du Christ, pour le bien de Son Corps qui est lÉglise (Col 1, 24). Il convient que les Pasteurs redeviennent membres du Christ, en secouant le joug oppressant dune servitude au monde qui les rend complices de la ruine de lÉglise.

Du Cœur Très Sacré du Christ, transpercé dune lance, jaillit la Grâce infinie des Sacrements et spécialement du Sacerdoce catholique. Il assure la perpétuation de laction rédemptrice du Christ tout au long de lHistoire, afin que le Sacrifice parfait de la Victime divine – qui est entré une fois pour toutes dans le Sanctuaire par son propre sang (He 9, 12) – puisse continuer à être offert au Père Éternel sous les Espèces sacramentelles. De même, lorsque lÉglise apparaît vaincue et est donnée pour morte, une lance dans son flanc renouvelle ce sang et cette eau, préparant les promesses dune restauration future et garantissant la préservation du Sacerdoce, de la Messe, des Sacrements : de la Tradition. Ce seront ce sang et cette eau qui irrigueront cette terre desséchée et fendue par la sécheresse, assoiffée de Vrai et deBien, afin que le semen Christianorum puisse germer et porter du fruit.

Méfiez-vous des faux prophètes, qui viennent à vous sous la forme de brebis, mais qui sont intérieurement des loups voraces (Mt 7, 15) : par ces paroles, proposées de manière significative par la Liturgie de ce septième Dimanche après la Pentecôte et que nous lirons dans le dernier Évangile, le Seigneur nous met en garde contre ceux qui usurpent le don de prophétie pour contredire la Foi quil a révélée et enseignée aux Apôtres afin quelle soit transmise fidèlement à travers les siècles. Le Seigneur ne dit pas : Méfiez-vous de ceux qui sèment lerreur, mais des faux prophètes. Qui sont ces faux prophètes, ces pseudo-christs dont parle lÉcriture Sainte ? Car de faux christs et de faux prophètes se lèveront et accompliront de grands présages et de grands miracles, de sorte quils égareront même les élus, si possible. Voici, je vous lai prédit (Mt 24, 24-25). Ce sont les mercenaires, les faux pasteurs, ceux que lon reconnaît ex fructibus eorum, à leurs fruits, à ce quils font (Mt 7, 16-20). Nous connaissons les fruits et nous les avons sous les yeux : la destruction planifiée de la Vigne du Seigneur par ses propres vignerons.

Ce quon mimpute comme un crime pour me déclarer schismatique et me condamner à lexcommunication a été consigné aux actes dun procès qui ne me condamne pas, moi, mais condamne mes accusateurs, ennemis de la Croix du Christ. Lorsque léclipse qui assombrit lÉglise prendra fin et que Notre-Seigneur redeviendra le centre de la vie de ses Ministres, ceux qui sont aujourdhui ostracisés trouveront justice, et ceux qui auront abusé de leur pouvoir pour disperser le Troupeau du Seigneur devront répondre devant Son tribunal et devant le tribunal de lHistoire. Quant à nous, nous continuerons à faire ce que tous les Évêquescatholiques ont fait, souvent au prix de la persécution.

Et nous continuerons notre œuvre, même si elle est entravée par ceux qui usurpent le pouvoir des Saintes Clés contre lÉglise elle-même. Lautorité des Pasteurs – et celle du Souverain Pontife – est entre les mains de faux pasteurs, qui, en tant que tels, comptent précisément sur notre respect de la Hiérarchie et sur notre obéissance habituelle, pour nous faire accepter la trahison du Christ et la ruine des âmes. Mais lautorité ne vient que du Christ, qui veut que tous soient sauvés et atteignent la béatitude éternelle par lunique Arche du Salut. Si lautorité vicaire sur la terre prêche le salut par les fausses religions et linutilité du Sacrifice du Christ, elle rompt le cordon ombilical qui la lie à Lui, se délégitimant elle-même. Nous ne nous séparons pas de la Sainte Mère Église, mais des mercenaires qui linfestent. Nous ne refusons pas lobéissance et la soumission au Pontife Romain, mais à celui qui humilie et manipule la Papauté contre la Volonté du Christ. Nous ne nous opposons pas à la Vérité révélée – quod Deus avertat ! – mais aux erreurs que tous les Papes ont toujours condamnées et qui sont aujourdhui imposées par ceux qui veulent faire de la Sainte Église la servante de ses ennemis (Lam 1, 1), par ceux qui se font des illusions en pensant quils peuvent maintenir vivant le corps ecclésial en le séparant de son Chef qui est le Christ.

Nous navons pas un Pape qui puisse nous juger et nous excommunier. Sil y avait un Pape, je ne serais même pas jugé, ni excommunié, ni déclaré schismatique, parce que nous professerions tous les deux la même Foi et communierons au même autel. Si aujourdhui Bergoglio me fait un procès pour me condamner et mexcommunier, cest précisément parce quil fait publiquement profession dappartenir à une autre religion et de présider une autre église, son église à lui, léglise synodale de laquelle je suis expulséen tant que Catholique et, en effet, étranger à celle-ci.

Priez, chers frères. Priez avant tout pour les fidèles et les Ministres qui vivent la contradiction de lappartenance morale à la véritable Église du Christ et à la fausse église de lusurpateur-Bergoglio, afin quils puissent se secouer de leur torpeur et se ranger sous la Croix, témoignant de la Vérité. Priez pour les Évêques et les prêtres qui, humblement et malgré leurs infirmités, servent le Seigneur. Ne rendons pas vain le Sang Très Précieux quIl a versé pour nous, et faisons en sorte que nous puissions répéter avec Saint Paul : Gratia Dei in me vacua non fuit (1 Co 15, 10). Ce Sang descendra aujourdhui sur notre Autel, et il continuera à y descendre tant que lÉglise aura des Évêques qui peuvent perpétuer le Sacerdoce et des prêtres qui célèbrent le Saint Sacrifice, selon le rite qui nous a été transmis par la Sainte Tradition. Cest pourquoi agissons d’un cœur serein et dans la conviction que ce que je suis en train d’accomplir est conforme à la volonté de Dieu. Ainsi soit-il.

 

+ Carlo Maria Viganò, Archevêque

7 Juillet 2024
Dominica VII post Pentecosten

© Traduction de F. de Villasmundo

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