Entretien avec le docteur Taylor Marshall
Entretien avec le docteur Taylor Marshall
Carlo Maria Viganò : Le texte de la troisième partie du Secret de Fatima a été remis par Sœur Lucie à l’évêque de Leiria en 1944 : il se réfère à la vision que les trois enfants bergers ont eue en 1917 et qui, par la volonté de la Vierge Marie, devait être révélé en 1960. Il fut remis au Saint-Office en 1957, sous le règne de Pie XII. Jean XXIII l’a lu en 1959 et s’est arrangé pour ne pas le rendre public. Paul VI a fait de même en 1967. Jean-Paul II l’a lu en 1978 ou peut-être en 1981. En 2000, à l’occasion du Jubilé, il en ordonna la publication, laissant croire qu’il s’agissait du texte complet, attribuant à lui-même la vision du Pape frappé, et plus précisément à l’attentat qu’il subit sur la place Saint-Pierre le 13 mai 1981. Le soupçon que le texte du Secret ait été manipulé est plus que fondé. Au-delà des anomalies et des incohérences techniques – comme le format du support papier utilisé par Sœur Lucie – il me semble évident que le contenu “révélé” a été censuré, afin de ne pas confirmer ce qui est sous les yeux de tous : la démolition de l’Église Catholique de l’intérieur et l’apostasie de la foi en raison d’un “mauvais Concile” et d’une “mauvaise messe”. La décision de ne pas préjuger de l’issue révolutionnaire de Vatican II a conduit Roncalli à ne pas révéler le Troisième Secret. Montini agit de la même manière, aussi parce que la révolution du Concile s’était entre-temps étendue à la réforme liturgique. D’autre part, il n’est pas surprenant qu’une Hiérarchie qui adultère l’Écriture Sainte et le Magistère puisse même aller jusqu’à censurer les paroles de la Sainte Vierge dans le cadre d’apparitions reconnues par l’Église.
L’Institut pour les Œuvres de Religion (IOR) est une banque, et il est normal qu’une institution telle que l’Église Catholique et l’État de la Cité du Vatican en soit dotée. Sa gestion est confiée à deux laïcs : un Président et un Directeur Général ; tandis qu’une Commission cardinalice est chargée de superviser ses activités. Ne dépendant pas du Gouvernorat, dans mes fonctions de Secrétaire Général, je n’y ai jamais eu de rôle institutionnel.
C’est à ceux qui administrent l’IOR – c’est-à-dire la Commission cardinalice et, en dernier ressort, la Secrétairerie d’État, au nom du Saint-Père – de dicter les règles qui garantissent sa bonne gestion, la transparence de ses opérations et la prévention de la spéculation et des activités illicites.
Avant d’être nommé au Gouvernorat, j’avais reçu de Jean-Paul II la charge de Délégué pour les Représentations Pontificales, dans la Première Section de la Secrétairerie d’État, ayant pour supérieurs immédiats le Substitut et le Secrétaire d’État, qui étaient les seuls à pouvoir accéder au Saint-Père. Ma tâche consistait à instruire toutes les pratiques relatives au recrutement et à la promotion du personnel de la Curie Romaine et des Nonciatures Apostoliques, ainsi qu’à gérer les dossiers hautement confidentiels concernant les membres des Dicastères Romains et du Collège des Cardinaux.
Mon activité d’enquête, d’instruction des dossiers et de formulation d’un jugement sur les personnes et les décisions à prendre, se terminait par la remise des dossiers au Substitut. C’était alors au Substitut et au Secrétaire d’État – d’abord Sodano puis Bertone – de présenter ou non mes dossiers au Pape, décidant selon leur entière discrétion de leur éventuel enfouissement. Par exemple – en plus du cas bien connu de McCarrick – qu’ont fait mes Supérieurs lorsque j’ai recueilli des informations très sérieuses sur Maradiaga ? Pourquoi a-t-il été élevé au Cardinalat, au lieu d’être puni conformément aux crimes qu’il a commis ?
Le Cardinal Bertone, qui tenait le pape Benoît sous contrôle, obtint de ce dernier qu’il me destitue de mon poste parce que, comme je l’ai dit dans mon J’accuse, je faisais obstruction à son action et à ses nominations. Il m’a fait envoyer auGouvernorat en tant que Secrétaire Général, mais comme il s’agissait d’une diminutio, c’est-à-dire d’une rétrogradation par rapport au rôle précédent, Bertone me promit qu’à la fin du mandat de Lajolo, proche de la retraite, je serais nommé Président du Gouvernorat, une charge cardinalice.
Le jour même de ma présentation au Gouvernorat, le 16 juillet 2009, j’ai pris conscience du total état d’irrégularité et de corruption de l’administration. J’ai tout de suite découvert l’existence d’une Commission Finances et Gestion – illégale et non prévue par les statuts du Gouvernorat – composée d’un groupe d’éminents banquiers italiens en charge de la gestion financière de l’État de la Cité du Vatican. Cette commission, présentée comme un simple organe consultatif, avait en réalité des fonctions de décision et spéculait à leur profit sur les investissements du Vatican dans des fonds d’investissement – dont BlackRock – avec lesquels ils avaient signé des contrats de gestion dont les coûts étaient supérieurs aux intérêts versés au Gouvernorat.
Je me suis donc immédiatement mis au travail et, en quelques mois, le déficit de plus de 10 millions de dollars constaté pour l’exercice 2009 est passé à un surplus de 44 millions de dollars, mettant fin aux affaires illicites des Prélats et des laïcs. Cette opération d’assainissement aurait évidemment dû passer par le renvoi des protagonistes de tant de malversations, à commencer par le Cardinal Président Lajolo et le Directeur administratif des Musées du Vatican, Mgr Paolo Nicolini.
Lajolo, suspect d’être franc-maçon, appartient au cercle du cardinal Silvestrini, lui-même créature du Secrétaire d’État Agostino Casaroli, l’homme de l’Ostpolitik, figure clé du pontificat de Jean-Paul II. Silvestrini, chef de la Deuxième Section pour les Relations avec les États, était un membre éminent de la Mafia de Saint-Gall et responsable de l’université Villa Nazareth, une sorte de Young Global Leaders for Tomorrow de Davos en version ecclésiastique. L’ancien Premier Ministre Giuseppe Conte, un personnage obscur qui a condamné les Italiens à l’assignation à résidence pendant la farce pandémique, est sorti de cette forge à la croisée des chemins entre église profonde et état profond.
Mgr Paolo Nicolini appartient à la dite Lavender mafia, le lobby homosexuel du Vatican. En tant que Directeur administratif des Musées du Vatican et des BiensCulturels du Gouvernorat, il était chargé de gérer la principale source de revenus de l’État de la Cité du Vatican. Parmi les principales malversations de Nicoliniauxquelles j’ai dû faire face immédiatement, il y avait le contrat qu’il avait préparé, avec l’approbation du Cardinal Lajolo et de mon prédécesseur Mgr Renato Boccardo, pour la restauration de la Colonnade du Bernin et des deux Fontaines de la Place Saint-Pierre, pour une valeur de 15 millions d’euros.
Le Gouvernorat ne figurait pas du tout parmi les contractants de ce contrat, qui avait été en revanche stipulé, dans une banque suisse (la Banca del Gottardo di Lugano), entre la société chargée de lever des fonds pour financer les travaux (par l’affichage de publicités sur la Colonnade de la Place Saint-Pierre) et la société chargée des travaux de restauration (choisie par Nicolini sans aucun appel d’offres). À Mgr Nicolini avait été attribué une rémunération mensuelle importante qui lui était versée directement par la société qui collectait les fonds grâce à la publicité. Cette dernière garda pour elle quelques millions d’euros déjà collectés, qui auraient dû être versés à l’entreprise qui effectuait les restaurations, en fonction de l’avancement des travaux, au point d’en provoquer l’interruption. J’ai donc été contraint d’intervenir pour dissoudre le contrat et exiger que les sommes collectées soient immédiatement versées au Gouvernorat et prévoir ainsi la rémunération des travaux effectués. C’est à ce moment-là que j’ai été chassé du Gouvernorat et que le Cardinal Lajolo se retrouva à nouveau en mesure d’agir sans être dérangé.
Un autre cas de mauvaise gestion a été l’attribution à l’Opera Laboratori Fiorentinidu contrat pour la mise en place des points de vente aux Musées du Vatican, qui représentaient un chiffre d’affaires de plusieurs millions d’euros et qui permirent à Nicolini d’obtenir sous la table un énorme avantage économique personnel.
Mon expulsion du Gouvernorat a eu lieu à la suite d’une campagne de dénigrement via la presse organisée par Mgr Nicolini et le puissant jeune homme Marco Simeon, franc-maçon homosexuel bien connu, déjà secrétaire du Ministre des Biens Culturels, Giuliano Urbani, et secrétaire du Président de Mediobanca, intime du Secrétaire d’État Bertone et son protégé, à qui il doit ensuite sa promotion à la RAI [Radiotelevisione Italiana] en tant que responsable des relations avec le Vatican.
Mon travail fut contrecarré et l’équipe de collaborateurs que j’avais mise en place fut dissoute, et tous les protagonistes de la corruption que j’avais signalés furent confirmés à leur poste. Nicolini fut promu comme Responsable des Villas Pontificales de Castel Gandolfo, où il pouvait gérer une immense propriété, beaucoup plus grande que l’État de la Cité du Vatican. Il obtint de Bergoglio l’expulsion immédiate, avec des méthodes brutales et vindicatives, d’Eugenio Hasler, un homme droit et un de mes proches collaborateurs, fils du Major de la Garde Suisse, qui a vu sa réputation, sa carrière professionnelle, son bon nom et son existence même détruites. Récemment, Mgr Nicolini a été nommé par Bergoglio Directeur du Centre d’Enseignement Supérieur Laudato si’ (ici) qui s’occupe de “projets verts”, conformément aux diktats du Forum Économique Mondial de Davos. Le dernier en date, annoncé il y a quelques semaines, consiste en une usine agrivoltaïque située dans la zone extraterritoriale de Sainte Marie de Galeria. Ce projet avait déjà été proposé par le Cardinal Lajolo sous Benoît XVI et c’est moi qui ai empêché sa réalisation.
À la suite de ces attaques médiatiques, Benoît XVI mis en place une commission d’enquête composée de trois Cardinaux : Herranz, Burke et Lajolo, bien que ce dernier ait été directement impliqué. Bertone parvint à persuader Herranz de dissoudre la Commission, qu’il remplaça par une Commission disciplinaire du Gouvernorat qui, bien que sous le contrôle de Bertone lui-même, décida le licenciement de Nicolini et adopta des mesures de sanction contre la Direction des Villas Pontificales. Les mesures adoptées par cette commission disciplinaire ont cependant été contrecarrées par Bertone et Lajolo.
Alors que le Pape Benoît XVI m’avait exprimé à deux reprises son désir de me nommer Président de la Préfecture des Affaires Économiques du Saint-Siège à la place du Cardinal Velasio de Paolis – une charge, me dit-il, « dans laquelle j’auraispu servir au mieux le Saint-Siège » – Bertone a obtenu mon envoi à Washington, loin de la Curie Romaine et de ceux que j’avais “dérangés” dans ma lutte contre la corruption.
Le majordome Paolo Gabriele – un homme honnête et naïf mais bien intentionné – a de sa propre initiative remis à la presse mes lettres adressées au pape Benoît et à Bertone dans lesquelles je dénonçais l’immense corruption dans le Gouvernorat. Par ce geste, Gabriele espérait pouvoir aider Benoît en mettant en lumière le réseau de complicités au Vatican, le rôle de pouvoir excessif de Bertone et de Lajolo, et les machinations contre le pape. Le rôle de Mgr Gänswein qui disputa à Bertone le contrôle de Benoît dans le gouvernement de l’Église fut déterminant. En 2012, après la fuite de ces documents (Vatileaks 1), le Pape a créé une nouvelle Commission cardinalice composée de Herranz, Tomko et De Giorgi. Bien que je fusse au centre de ces événements, ce nouvel organisme a essayé de m’ignorer pendant au moins deux mois et ce n’est qu’à la suite d’une demande téléphonique explicite de ma part au cardinal Herranz, pendant que j’étais à Washington, qu’on m’a entendu témoigner. « Votre Éminence, ne pensez-vous pas que j’ai aussi quelque chose à dire dans cette affaire ? » La réponse furieuse du Cardinal fut : « Si vous le voulez vraiment… »
Mon mémoire écrit, en plus du procès-verbal de l’interrogatoire, a été inclus dans la fameuse boîte blanche que l’Émérite remit à Bergoglio en avril 2013 lorsqu’il est allé lui rendre visite à Castel Gandolfo, chargeant son Successeur d’intervenir pour assainir la corruption endémique au Vatican.
Le 23 juin 2013, lorsque j’ai rencontré Bergoglio, il me demanda – après m’avoir interrogé sur McCarrick et les jésuites aux États-Unis pour sonder ma position – de lui remettre le dossier que j’avais donné aux trois cardinaux nommés par Benoît XVI pour enquêter. Je le fis immédiatement, et il me dit : « J’ai un petit coffre-fort dans ma chambre. Maintenant, je vais l’apporter là-bas (ce qu’il a fait) et je le lirai ce soir. »
Il est évident que Bergoglio ne s’intéressait qu’à connaître qui étaient les corrompus afin de pouvoir les utiliser, les contrôler et les faire chanter. Nicolini faisait partie de ses protégés qui, comme nous l’avons vu, non seulement est resté à son poste, mais a été promu à des postes plus élevés, éliminant tous ceux qui s’opposaient à lui, à commencer par Eugenio Hasler.
Je me demande ce qu’il est advenu de cette boîte blanche et pourquoi les deux cardinaux encore en vie – Herranz et De Giorgi – continuent de garder le silence face à la dissimulation de ce qui a émergé de leur enquête.
Le 11 juin, j’ai été informé par un simple courriel (sans jamais recevoir de notification officielle) d’un procès à mon encontre, pour lequel je devais comparaître à Rome le 20 suivant pour retirer les charges retenues contre moi, afin de préparer ma défense pour le 28, veille des saints Pierre et Paul. Je ne pense pas que l’on donne une semaine, même à ceux qui ont reçu une amende pour avoir stationné dans le cadre d’une interdiction de stationnement.
Les accusations qui ont été portées contre moi sont totalement inconsistantes :schisme pour avoir mis en doute la légitimité de Bergoglio et pour avoir rejeté Vatican II. Mais le droit reconnaît l’inapplicabilité de la volonté de schisme dans le cas où l’accusé est convaincu que celui qui siège sur le Trône de Pierre n’est pas Pape et, lorsque est démontrée l’absence de fondement de ses soupçons, il est disposé à se soumettre à son autorité. Je considère Jorge Mario Bergoglio comme un antipape, ou plutôt : un contre-pape, un usurpateur, un émissaire du lobby anticatholique qui s’est infiltré dans l’Église depuis des décennies. L’évidence de son extranéité à la Papauté, ses hérésies multiples et la cohérence de son action de gouvernement et de “magistère” sous une clé subversive sont des éléments très graves qui ne peuvent être écartés hâtivement comme un crime de lèse-majesté.
Au-delà de la méthode et du mérite de l’affaire pénale extrajudiciaire, la vacance du Siège Apostolique et l’usurpation du Trône de Pierre par un faux pape rendent tous les actes des Dicastères romains complètement dépourvus de validité et d’efficacité, de sorte que même l’excommunication contre moi est nulle et non avenue.
Nous sommes confrontés à un court-circuit canonique : celui qui détient lasuprême autorité terrestre dans l’Église, au moment où il est dénoncé pour hérésie, répond en accusant de schisme celui qui le dénonce, et l’excommunie. Cet usage instrumental de la justice – typique des dictatures – contredit la mens [pensée] duLégislateur et tombe à juste titre sous le coup des dispositions de la Bulle de Paul IV : c’est l’adhésion même à l’hérésie qui expulse l’hérétique de l’Église et rend son autorité illégitime, invalide et nulle.
Après Bergoglio, les plus dangereux sont Fernández, Hollerich, Roche, Peña Parra… Ceux-ci, ainsi que le Secrétaire d’État Parolin, sont tous complices de la gestion désastreuse du Vatican et de toute l’Église. Je rappelle en passant que Parolin était membre du consortium de la Deuxième Section de la Secrétairerie d’État, alors dirigé par le franc-maçon Silvestrini, membre éminent de la Mafia de Saint-Gall à qui il doit son ascension.
La Messe tridentine est un trésor inestimable pour la Sainte Église. Elle est “canonisée” par son usage pluriséculaire dans lequel nous voyons s’exprimer la voix de la Sainte Tradition. Si la Hiérarchie, abusant de son pouvoir contre la fin que le Seigneur lui a donnée, empêche la célébration de la Messe traditionnelle, elle commet un abus et cette interdiction est nulle.
Prêtres et évêques devraient faire preuve de plus de courage, en continuant à célébrer l’ancien rite et en refusant de célébrer le Novus Ordo. Ils feraient probablement face à des sanctions du Vatican, mais ils devraient se demander quelles sanctions les attendent lorsqu’ils devront répondre devant le tribunal du Seigneur pour ne pas avoir accompli leur devoir, préférant l’obéissance servile auTyran plutôt que l’obéissance à Dieu.
Les laïcs devraient s’organiser en petites communautés en achetant des églises qui sont maintenant en vente ou en établissant des chapelles domestiques, et en recherchant des prêtres disposés à célébrer la Messe et les Sacrements pour eux selon le Rite Apostolique et en les aidant matériellement dans l’exercice de leur Ministère.
Les instituts ex-Ecclesia Dei sont nés de la volonté du Vatican d’affaiblir la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X après les Consécrations épiscopales de 1988, qui, s’étant dotée d’une succession apostolique, pouvait poursuivre son apostolat même après la mort de Mgr Marcel Lefebvre. La “concession” de célébrer la Liturgie tridentine – jusque-là complètement exclue – avait et a pour condition l’acceptation du “magistère post-conciliaire” et la licité du Novus Ordo. Cette prémisse est tout à fait inacceptable, parce qu’elle réduit la célébration de la Messe traditionnelle à une question cérémonielle, alors qu’il est évident que le rite tridentin résume en lui-même toute la doctrine et la spiritualité de la Foi Catholique, contrairement au rite protestantisé de Paul VI, qui taitœcuméniquement cette Foi. Celui qui célèbrent la Messe de Saint Pie V ne peut accepter Vatican II. En effet, dès le début, de nombreux prêtres qui avaient quitté la Fraternité de Mgr Lefebvre et avaient adhéré aux instituts Ecclesia Dei ont continué à avoir de fortes réserves et, pour ainsi dire, ont joué sur l’équivoque d’une acceptation tacite que le Vatican lui-même ne demandait pas d’expliciter.
En 2007, Benoît XVI a reconnu la légitimité de la Liturgie traditionnelle, déclarant que la Messe de Toujours était une “forme extraordinaire” du Rite Romain, à côté de la “forme ordinaire” du Novus Ordo. Le Motu Proprio Summorum Pontificumrévèle l’approche hégélienne de Ratzinger qui, dans la coexistence de deux formes d’un même rite, cherchait à composer la synthèse entre la thèse de la Messe traditionnelle et l’antithèse du rite montinien. Mais même dans ce cas, la base idéologique du Motu Proprio était de fait modérée par la pratique, de sorte que le résultat final de Summorum Pontificum a été relativement positif, au moins dans la diffusion de la célébration de la Messe tridentine que les nouvelles générations n’avaient jamais connue. De jeunes prêtres et de nombreux fidèles se sont approchés du Rite Apostolique, découvrant sa beauté et sa cohérence intrinsèque avec la Foi Catholique. Face au succès de la Messe de Toujours, le Motu Proprio Traditionis Custodes a drastiquement limité la libéralisation de SummorumPontificum, déclarant aboli le droit de chaque prêtre à la célébration de la Messe traditionnelle et le réservant uniquement aux instituts ex-Ecclesia Dei. C’est ainsi qu’est créée une “réserve indienne” de clercs plus ou moins conservateurs qui dépendent de Bergoglio, qui sont tenus de faire la profession de foi conciliaire par la concélébration du nouveau rite au moins une fois par an : ce que pratiquement tous les prêtres de ces instituts sont contraints de faire, volontairement ou non. D’autre part, il ne me semble pas que les évêques ou les cardinaux qui les soutiennent aient exprimé des réserves sur le Concile ou sur les déviations doctrinales, morales et liturgiques du post-concile et de Bergoglio lui-même. Il est difficile d’attendre des subalternes une combativité dont d’éminents Prélats n’ont jamais fait preuve.
Ces instituts sont donc soumis à un chantage. Si, avec Summorum Pontificum, il était plausible de penser à une tentative de pax liturgica qui laissait les conservateurs libres de choisir le rite qu’ils préfèrent (dans une vision, pour ainsi dire, libérale), avec Traditionis Custodes, les clercs qui célèbrent et les fidèles qui assistent à la Messe traditionnelle sont frappés du blâme diffamatoire de l’arriérisme, du rejet de Vatican II, de la rigidité préconciliaire. Dans ce cas, la synodalité et la parrhésie cèdent à l’autoritarisme de Bergoglio qui dit cependant une vérité qui dérange : ce rite remet en question l’ecclésiologie et la théologie de Vatican II et, en tant que tel, ne représente pas l’église conciliaire. L’illusion de la pax liturgica s’est donc misérablement brisée devant l’évidence de l’inconciliabilité de deux rites qui s’“excommunient” l’un l’autre, ainsi que des deux églises – la Catholique et la synodale – dont ils sont l’expression cultuelle.
Dans le cas de l’Institut du Christ–Roi Souverain Prêtre, la question rituelle et cérémonielle semble l’emporter sur la question doctrinale, et ce n’est pas une coïncidence si, dans la dissolution générale, les Chanoines de Gricigliano semblent être exempts d’opposition et d’ostracisme : ils ne représentent pas un problème, car ils ne remettent pas en question le moins du monde le nouveau cours et ont d’ailleurs dans leurs Constitutions de nombreuses citations de documents conciliaires. Les autres instituts survivent, mais il reste à voir comment ils comptent réagir aux restrictions futures.
La Fraternité Saint Pie X, après cinquante ans d’activité, montre des signes de fatigue et il semble parfois que son silence sur les horreurs de Sainte–Marthe soit motivé par un accord tacite de non-belligérance, peut-être dans l’espoir de pouvoir devenir le collecteur du conservatisme et d’une partie du traditionalisme catholique, une fois que Bergoglio aura éliminé “la concurrence” des instituts ex-Ecclesia Dei. Ma crainte est que cet espoir finisse par ratifier le schisme de facto déjà présent dans l’Église, obligeant les Catholiques à quitter l’église officielle comme si c’étaient eux, et non la Hiérarchie romaine, en état de schisme. Une fois les voix critiques éliminées, Bergoglio se trouverait à avoir “sa” propre église hérétique, dont les prêtres et les fidèles qui n’acceptent pas la révolution permanente sont bannis.
En ce qui concerne les fidèles, je crois qu’il est nécessaire de comprendre la situation de grande désorientation et d’anarchie qui règne dans l’Église. Beaucoup de Catholiques qui ont découvert la Messe traditionnelle ne réussissent plus à assister au rite montinien et il est compréhensible qu’ils se “contentent” – pour ainsi dire – des Messes tridentines célébrées par les instituts ex-Ecclesia Dei, sans toutefois accepter les compromis qui sont exigés de leurs prêtres. Mais c’est une situation qui, tôt ou tard, devra être clarifiée, surtout si l’acceptation des erreurs conciliaires et synodales devient la conditio sine qua non. Dans ce cas, les fidèles doivent agir de manière cohérente et chercher des prêtres qui ne sont pas compromis avec l’église synodale. Les horreurs de ce “pontificat” érodent en tout cas le consensus du Clergé à l’égard de Bergoglio : une fronde traditionnelle pourrait décider de ne pas le suivre sur le chemin destructeur emprunté.
Je comprends le chagrin que beaucoup ressentent de ne pas pouvoir assister à la Messe tridentine. C’est comme être privé de la présence du Seigneur et des Grâces que le Saint Sacrifice déverse sur les âmes et sur l’Église. Mais au cours de l’histoire, de nombreux Catholiques, tant dans des pays lointains non encore atteints par les missionnaires, qu’en temps de persécution, se sont trouvés dans l’impossibilité d’avoir la Messe sauf occasionnellement. Sans la Messe, on peut survivre, mais pas sans la Foi. Si donc la Foi est indispensable au salut, il est important que chaque Catholique nourrisse son instruction religieuse en reprenant en main le Catéchisme tridentin et en nourrissant son intelligence et son cœur de manière à résister à la contagion du Novus Ordo et de ses dégénérescences. Il est nécessaire de prier pour que le Seigneur envoie des ouvriers pour Sa moisson, et aider les quelques prêtres qui sont encore fidèles.
Malgré le fait que les accusations concernant la conduite scandaleuse de McCarrickétaient déjà connues et que des mesures disciplinaires avaient été prises par le Pape Benoît XVI à son encontre, Bergoglio a demandé à l’alors Cardinal de maintenir des contacts avec le gouvernement de Pékin, également en raison de ses liaisons avec la Maison Blanche et avec l’establishment démocratique qui avait – et a toujours – des relations avec la dictature chinoise.
La capacité de McCarrick à “monétiser” la collaboration de l’Église avec certains gouvernements a conduit à la signature d’un accord secret qui, selon certaines rumeurs – que je ne suis pas en mesure de vérifier – rapporterait chaque année des millions au Vatican, en échange de son silence sur la persécution des Catholiques fidèles au Siège Apostolique et sur la violation des droits de l’homme.
L’Épiscopat américain est le résultat de décennies de mala gestio [mauvaise gestion]du Vatican : la corruption et la présence d’un lobby homosexuel très puissant – composé en grande partie de protégés de McCarrick – sont totalement en faveur du nouveau cours bergoglien, dans un aplatissement scandaleux sur les positions wokede la Gauche Radicale qui est en train de détruit les États-Unis. Parmi ces corrompus, on peut compter les Cardinaux Spellman, Bernardin, Dearden, McCarrick et leur progéniture, ainsi que bien sûr la Compagnie de Jésus, qui a joué un rôle décisif dans la dissolution du Catholicisme.
La partie “sain” des évêques – que j’ai essayé de promouvoir et de défendre de toutes les manières possibles en tant que Nonce – est minoritaire, conservatrice mais avec une approche conciliaire.
La Renonciation de Benoît XVI, en raison de vices de procédure et du monstrumcanonique qu’elle a produit, est certainement invalide, comme l’a très bien expliqué le Professeur Enrico Maria Radaelli. L’invention de la “papauté émérite” a sapé davantage la Primauté pétrinienne et a ouvert la voie à cette “papauté décomposée”– dans une division surréaliste du munus et du ministerium sans fondements théologiques et canoniques – qui évolue maintenant vers une réinterprétation du rôle du Pontife dans une clé œcuménique, comme nous le voyons dans le Document d’Étude L’Évêque de Rome récemment publié par le Dicastère pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens. Une unité qui est déjà une Note de l’unique véritable Église du Christ, qui est l’Église Catholique, et que Vatican II présente de manière significative comme un objectif à atteindre à travers une interprétation du dogme qui ne présente pas de conflit avec les erreurs des sectes non catholiques.
Le fait que Ratzinger ait subjectivement cru d’abdiquer la Papauté n’affecte pas la nullité de la Renonciation. Malgré l’aura d’orthodoxie qui entoure le Pontificat de Benoît XVI, en particulier dans les cercles du conservatisme modéré, sa redéfinition de l’institut pétrinien et la création de la Papauté émérite constituent la plus haute expression des instances hérétiques présentes dans la théologie ratzingérienne, et en tant que telles devront faire l’objet d’une condamnation bien précise, avec les autres hérésies (bien mises en évidence par les études de l’éminent Professeur Radaelli) que le théologien allemand n’a pas jamais désavouées.
Lorsque Notre Seigneur s’est incarné il y a 2024 ans, il n’y avait ni roi ni sacerdoce en Israël. Si nous approchons de la fin des temps, je crois que la vacance du Siège Apostolique est destinée à durer. Lorsqu’Il reviendra sur la terre, Notre Seigneur reprendra le sceptre temporel et la couronne spirituelle, résumant en Lui le pouvoir royal et sacerdotal, exercés aujourd’hui de façon illégitime.
Mais si la Providence daignait accorder à l’Église un vrai Pape, il pourrait être reconnu par la condamnation et la déclaration de nullité du Concile et des désastres qu’il a produits. Un saint Pape abolirait le Novus Ordo et rétablirait la Liturgie traditionnelle, parce qu’il aurait d’abord à cœur la gloire de Dieu, l’honneur de l’Église et le salut des âmes.
Ce serait le moins. La condamnation de l’erreur est nécessaire pour rétablir l’ordre violé, qui est basé sur Dieu, c’est-à-dire sur la Vérité suprême. Honorius futexcommunié par le pape Léon II, non pas parce qu’il était hérétique, mais parce qu’il profana proditione immaculatam fidem subvertere conatus est – avec prédiction mondaine, il a essayé de subvertir la pureté de la Foi – parce qu’il n’avait pas clairement condamné l’hérésie monothélite, selon laquelle dans le Christ il n’y aurait pas deux volontés – l’une divine et l’autre humaine selon les deux natures – mais une seule. L’action subversive de Bergoglio est beaucoup plus grave, tout comme le sont les hérésies que Vatican II non seulement n’a pas combattues, mais dont il devint un véhicule pastoral, dans une tromperie colossale du corps ecclésial.
Le Collège Cardinalice est composé en majorité de personnages largement compromis et corrompus. De plus, l’illégitimité de Bergoglio (également pour les violations des dispositions de la Constitution Apostolique Universi Dominici Gregis qui invalident son élection) rend nuls tous ses actes de gouvernement, donc aussi toutes les nominations du Sacré Collège. Si les Cardinaux nommés par le Prédécesseur reconnaissaient que Bergoglio n’est pas pape et convoquaient un Conclave, ils devraient avoir le courage non seulement de déplorer les effets actuels, mais aussi leurs causes, qui remontent toutes au Concile Vatican II.
La thèse dite de Cassiciacum tire son nom de la ville qui s’appelle aujourd’hui Cassago Brianza, en Lombardie, où en 387 saint Augustin se retira en prière avec sa mère avant de recevoir le baptême. Cette thèse, formulée en 1978 par le PèreGuérand des Lauriers o.p., identifie chez les Papes post-conciliaires – de Montini à Bergoglio – une acceptation externe de la Papauté viciée par un obstacle interne (la volonté de promouvoir les nouvelles instances du Concile Vatican II qui contredisent le Magistère pérenne de l’Église) – un obstacle qui empêche la communication par Dieu du charisme divin qui appartient normalement au Vicaire du Christ. En manquant de cette « intention objective et habituelle de procurer et de réaliser le bien et la fin de l’Église », les Papes de la période post-conciliaire ne seraient donc Papes que matériellement, dans la mesure où ils ne sont élus que canoniquement, et donc proprement “non-papes”.
La révolution conciliaire – dont Bergoglio est l’exécuteur implacable – a pour but la dissolution du Catholicisme Romain en une fausse religion sans dogmes d’inspiration maçonnique, à obtenir par la parlementarisation de l’Église sur le modèle des institutions civiles. Cela exige un redimensionnement de la Papauté et l’extinction de la Succession Apostolique, ainsi qu’un bouleversement radical du Sacerdoce ministériel. Pour cette raison, même s’il est opportun pour le moment de suspendre le jugement définitif sur les Papes du Concile, il est nécessaire de mettre entre parenthèses, pour ainsi dire, tout ce qu’ils ont produit, en particulier le Catéchisme et l’enseignement doctrinal, la réforme de la Messe et des Sacrements, et parmi ceux-ci le rite d’attribution des Ordres Sacrés.
Ce que je peux dire, c’est que, en ce qui concerne les thèses du sédévacantisme ou du sédéprivationnisme – qui ont aussi des éléments qui peuvent être partagés en théorie – il n’est pas possible de croire que le Seigneur a permis que son Église reste éclipsée et privée des moyens ordinaires de la Grâce – les Sacrements – pendant plus de soixante ans, avec des évêques et des prêtres non validement ordonnés et donc avec des Messes et des Sacrements invalides. Le mysterium iniquitatis ne peut pas impliquer l’échec de l’assistance promise par le Christ à l’Église – Ecce ego vobiscumsum usque ad consummationem sæculi (Mt 28, 19). Mais de notre côté, il est urgent de restaurer l’intégrité du Depositum Fidei (Lex credendi) et son expression priante (Lex orandi) afin que les portes de l’enfer ne prévalent pas.
+ Carlo Maria Viganò, Archevêque
© Traduction de F. de Villasmundo
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