Quelques précisions
pour rétablir la vérité sur la situation du monastère « Maria Tempio dello Spirito Santo » de Pienza
Partie III - Nouveaux développements
Cette troisième partie de mon intervention en défense des Moniales de Pienza fait suite à une première partie consacrée à la séquence des événements (ici) et une seconde sur les mesures canoniques adoptées par le Saint-Siège, avec la collaboration du Diocèse de Chiusi-Pienza-Montepulciano et de la Fédération Picena de l’Ordre bénédictin (ici).
I. Bref résumé des événements passés récents
La deuxième partie se terminait par l’évocation des interrogatoires de proches des Religieuses menés par les Carabiniers à la fin du mois de février. Début mars, la presse a fait état de ces faits, annonçant l’ouverture possible d’un dossier au parquet compétent (ici et ici), mais quelques jours plus tard – le 16 mars – le Corriere di Siena a informé qu’aucune enquête n’était en cours, qu’aucun élément de nature à constituer un crime n’avait été trouvé et que l’affaire était considérée comme relevant de l’autorité ecclésiastique : « l’affaire ne présente pas des crimes à enquêter, mais simplement des questions internes à l’Église, et relatives aux règles de l’ordre bénédictin et du couvent, relevant donc du périmètre de la justice et du droit ecclésiastique » (ici).
Cela confirme l’anomalie du recours au « bras séculier » par la Curie et la Fédération bénédictine, mis de côté hâtivement étant clairement abusif et irrégulier.
Il convient également de rappeler que la décision du Diocèse et de la Fédération de publier une déclaration contre les Moniales a provoqué un tollé et a gravement porté atteinte à la réputation des Religieuses, définies par la presse comme « religieuses rebelles » en raison des accusations génériques et diffamatoires qui leur ont été adressées par l’Autorité ecclésiastique. Si les Moniales ont été obligées de protéger publiquement leur réputation, cela a été nécessaire en raison de l’imprudence trop désinvolte de la Curie de Pienza.
II. Absence de réponse aux « Remonstrationes »
Après la Visite apostolique décidée par le Dicastère romain sans fournir les raisons à l’avance et sans communiquer les résultats, les Moniales avaient vu apparaître à Pienza les émissaires du Vatican qui prétendaient exécuter des décrets non régulièrement notifiés, et le 18 février, elles avaient envoyé – selon la norme du can. 1734, §1 – leurs Remonstrationes pour demander à être informées des accusations alléguées portées contre elles, afin qu’elles puissent se défendre.
À ces Remonstrationes, le Saint-Siège aurait dû répondre dans le délai de trente jours (can. 1735 CIC), mais cela ne s’est pas produit, ajoutant une autre irrégularité à celles déjà commises. Le 20 mars, un nouveau décret du Dicastère a été délivré, daté du 14 mars et avec le protocole 27887/2014, signé par le Préfet Cardinal Braz de Aviz et le Secrétaire Mgr Rodriguez Carballo, avec lequel les décisions prises dans le décret précédent sont réitérées, à la seule exception d’une « concession » de soixante jours à l’Abbesse et à la Prieure pour choisir deux communautés distinctes dans lesquelles être définitivement transférées. En substance, l’Autorité romaine continue de n’expliquer ni les raisons qui ont déterminé la Visite, ni les résultats de celle-ci qui auraient dû être indiqués dans un rapport final. Cela suggère qu’il n’y a pas de raisons concrètes derrière ces mesures et que l’action du Vatican est entièrement spécieuse.
Il convient également de noter que le nouveau décret cumule sans distinction formelle plusieurs dispositions, destinées à la Communauté dans son ensemble et aux Supérieures – l’Abbesse et la Prieure. Et si, dans le premier décret, il était question de « conditions particulières de la communauté », dans le second, l’expression « à la suite des questions critiques qui ont émergé de la visite apostolique » n’ajoute aucun élément supplémentaire qui légitime les mesures disciplinaires prises. Au contraire, il met en évidence la tentative maladroite de donner arbitrairement corps à des accusations indéterminées et non exprimées (can. 36, §1). Et il faut ajouter qu’aucun avertissement ou reproche n’a jamais été formulé avant d’ordonner la Visite, ni à la Communauté ni aux Supérieures. Si, par conséquent, le but de l’action disciplinaire – comme l’exige la Charité (Mt 18, 15-18) avant même la loi – est la correction de manquements, il est évidemment impossible pour les Sœurs de s’amender d’une faute qui n’a jamais été mentionnée : vraiment une manière vraiment singulière d’« animer et de réglementer la pratique des conseils évangéliques » de la part du Dicastère en charge.
III. Les « concessions » du nouveau décret
Au-delà du fait que le décret se réfère indistinctement à plusieurs destinataires, il est déconcertant qu’il simule une certaine atténuation des dispositions précédemment assumées à l’égard de l’Abbesse et de la Prieure, où il concède aux deux Religieuses la possibilité de choisir deux Monastères distincts – afin de les séparer et de les isoler en vue de leur « rééducation » – au lieu d’ex-claustrer l’Abbesse et d’envoyer la Prieure au « monastère » de Bose, bien connu pour ses positions ultra-modernistes et pour l’absence absolue de charisme bénédictin et de vie cloîtrée.
Cette tentative pathétique d’offrir aux Supérieures une solution alternative à l’exclaustraction ou à la rééducation de Bose vise évidemment à amener les deux Moniales, sous la pression des événements et du stress émotionnel causé par l’affaire, à renoncer à leur sacro-saint droit à une défense qui démontre leur extranéité absolue à toute accusation. Et cela est dû au désir de ne pas avoir à arriver à la formulation explicite d’accusations qui s’avéreraient spécieuses et incohérentes. En plus de cela : le nouveau décret n’explique pas pourquoi la sévère décision du précédent a été modifiée par une autre qui, bien que moins grave, reste injustifiée jusqu’à ce que les prétendues lacunes génériquement indiquées comme « criticités » soient spécifiquement contestées.
En pratique, le Dicastère refuse de formuler les accusations contre lesquelles l’Abbesse, la Prieure et toutes les Moniales de Pienza devraient pouvoir se défendre ; et il se limite à réduire partiellement la peine pour un crime inexpliqué, pour les inciter à céder dans le seul but d’éviter des peines plus graves. Définir ce comportement scandaleux et connoté par le chantage c’est peu dire, surtout de la part de ceux qui en 2018 ont exhorté les sœurs cloîtrées – avec un langage irrespectueux – à ne pas se laisser manipuler « même si ce sont des évêques, des cardinaux, des religieux ou autres » (ici).
Les Moniales sont donc privées de tout droit élémentaire à la défense, ce qui rend les dommages à l’image et à la réputation des Religieuses encore plus dévastateurs. Le décret ne mentionne même pas les modalités d’un éventuel recours, alors qu’il porte atteinte aux droits de l’Abbesse et du Chapitre qui voient l’exercice de leur charge usurpé de manière illégitime et injustifiée (cf. can. 1375, §1).
IV. Les nouvelles « Remonstrationes » et le recours à la Signature apostolique
Le nouveau décret du 14 mars, comme nous l’avons mentionné, se réfère indistinctement à plusieurs destinataires : d’une part, il confirme les dispositions du décret précédent à l’égard de la Communauté, tandis que, d’autre part, il donne de nouvelles dispositions à l’égard de l’Abbesse et de la Prieure. Les dispositions concernant la Communauté, dans la mesure où elles confirment ce qui était déjà prévu dans le décret précédent, ne peuvent faire l’objet d’une nouvelle Remonstratio au Dicastère, mais d’un Recours devant le Tribunal de la Signature Apostolique – la « Cour suprême » du Saint-Siège. Ce Recours a été promptement transmis par les Religieuses le 30 mars dernier.
L’Abbesse et la Prieure, quant à elles, étant destinataires de nouvelles dispositions, ont présenté le 30 mars dernier au Dicastère deux nouvelles Remonstrationes, par lesquelles elles demandent la révocation des dispositions du décret du 14 mars et l’accès aux documents. Parmi ceux-ci, il y a toute la documentation relative à l’érection canonique du monastère « Marie Temple du Saint-Esprit », qui, comme nous l’avons vu dans la première partie de notre intervention, a été manipulée par l’ancien Ordinaire de Pienza, Mgr Stefano Manetti ; ainsi que les actes qui ont conduit à la disposition de la Visite apostolique et ceux concernant son rapport final. Les Moniales demandent également des explications concernant l’utilisation au moins anormale du même numéro de protocole pour différents documents.
V. La position du Vatican
Les événements relatifs au du Monastère de Pienza font ressortir, une fois de plus, la situation désastreuse dans laquelle se trouve la Curie Romaine. Le dicastère dirigé par Braz de Aviz, en particulier, montre qu’il ne sait même pas donner un semblant de légitimité aux actes qu’il émet, ajoutant l’arrogance et l’autoritarisme du Préfet et du Secrétaire à la totale incompétence du personnel chargé de rédiger les documents. Face à certaines erreurs macroscopiques, on se demande si les décrets sont soumis au contrôle d’un canoniste, et comment il est possible – si ce n’est en recourant au « copier-coller » d’un traitement de texte – que même les numéros de protocole ne soient pas fiables.
Il reste à voir si, à ce stade, il y aura quelqu’un à Rome qui se résignera à suivre les normes canoniques et surtout à agir avec justice, car ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement l’image du Siège Apostolique – déjà largement compromise – mais la vie et la sérénité de treize moniales qui ont le seul défaut de vouloir suivre le Seigneur selon le charisme bénédictin et dans la Tradition.
L’alternative envisagée est la perpétuation d’un climat tyrannique dénoncé à plusieurs reprises par les malheureux qui travaillent à la Curie Romaine, en recourant à la voie extrême des sanctions contre les Religieuses. Et ce serait encore plus scandaleux, si seulement on le comparait à d’autres cas vraiment graves pour lesquels une indulgence maximale est garantie, sinon une impunité totale. Le scandale de la remise de l’excommunication pour le sacrilège et pervers père Rupnik – dont les horribles et très coûteuses mosaïques enlaidissent les églises de la ville (urbe) et du monde (orbe) – devrait nous faire comprendre l’inégalité de traitement réservée aux nepotes de Sainte Marthe, que le cardinal Mueller a résumé de manière incisive, soulignant comment les amis de Bergoglio jouissent d’un statut privilégié (ici), tandis que les ennemis sont l’objet de malversations impitoyables.
VI. Nouvelles pressions sur les Moniales
Si le deuxième décret du Dicastère pour les Instituts des Religieux et les Sociétés de Vie Apostolique n’a en aucune façon contribué à redonner de la sérénité aux Moniales, on ne peut pas dire que l’action des moniales bénédictines de la Fédération Picena ait fait preuve de sensibilité et de respect à leur égard.
Mère Daniela Vacca – désignée par le Dicastère en tant qu’administratrice et chargée de désigner la nouvelle supérieure – s’est de nouveau présentée aux portes du monastère avec une autre religieuse, sonnant à l’interphone et téléphonant compulsivement pendant des heures pour tenter d’entrer, malgré le fait que l’applicabilité du décret ait été suspendue par l’appel présenté par les Religieuses, au point de forcer Mère Diletta à les menacer d’appeler les Carabiniers si elles ne partaient pas.
Ce fut ensuite le tour d’autres religieuses du Monastère d’origine des moniales de Pienza – « Santa Maria delle Rose » de Sant’Angelo in Pontano – venues également tenter un raid pour convaincre les consœurs de céder. On ne sait pas à quel titre ces religieuses se sont présentées, qui les a envoyées et qui les a finalement autorisées à briser le cloître auquel elles sont liées. Le prétexte était évidemment innocent : s’assurer qu’elles allaient bien et qu’elles agissaient librement, sans contrainte de la part des Supérieures. Mais les Carabiniers n’avaient-ils pas déjà vérifié ces aspects, pour lesquels il n’y avait aucun élément pour étayer les soupçons insinués qu’elles étaient subornées ou psychologiquement manipulées ? Et quelle sollicitude hypocrite, si l’on considère que ni le Saint-Siège ni la Curie ne se sont souciés de garantir des moyens matériels de subsistance – allant jusqu’à interdire tout soutien économique au monastère – et spirituels, obligeant les Sœurs à se déplacer sur des kilomètres pour assister à la Messe et aux célébrations du Triduum pascal !
VII. Conclusion
La vie religieuse des Moniales de Pienza a été gravement compromise par une série grotesque d’agressions, de menaces et d’intimidations qui ont impliqué la presse et ont porté atteinte non seulement à leur réputation, mais aussi à leur paix intérieure et à leur bien-être psychophysique. Et tout cela pour quelle raison, et dans quel but ? Au-delà des intérêts économiques des subordonnés, intéressés à déloger les Sœurs pour disposer de l’ancien Séminaire et l’affecter à un centre d’accueil pour réfugiés ou le vendre pour en faire un lieu de villégiature luxueux, la volonté du Dicastère de punir les Religieuses pour leur décision de s’approcher de la Tradition et de la Messe de Toujours, dans le contexte d’une attaque généralisée contre les Monastères de vie contemplative, est évident.
Ce crime de « lèse-concile » – et plus encore de « lèse-majesté » contre Bergoglio et ses serviteurs zélés – a réussi à persuader les Moniales de la nécessité d’abandonner définitivement le rite réformé et d’embrasser exclusivement la liturgie traditionnelle. Si une attitude plus prudente et paternelle aurait peut-être retardé ce processus de « conversion », l’arrogance et l’autoritarisme du Dicastère, du Diocèse et de la Fédération Picena ont renforcé la détermination des Religieuses, renforçant le lien communautaire, la fidélité à l’Abbesse et leur volonté unanime. On ne peut pas dire que le Vatican s’en sorte bien : fort avec les faibles et faible avec le fort, comme cela arrive toujours quand on préfère suivre l’esprit du monde et renier les principes de l’Evangile.
Il est regrettable de constater que – quelle que soit la décision des Autorités impliquées – la dernière chose qui intéresse les mercenaires qui infestent la Curie Romaine est d’exercer concrètement cette Charité que nous avons trop souvent entendue mentionnée en paroles, tout en pratiquant au plus haut degré ce « cléricalisme » aulequel leur chef s’en est pris à maintes reprises.
Et tandis que les bureaucrates romains n’hésitaient pas à priver cette Communauté de moyens de subsistance, les Moniales s’organisèrent pour faire face aux besoins les plus urgents en fondant l’Association « Marie Temple du Saint-Esprit ». Cette initiative donnera aux fidèles – victimes aussi de ces scandaleuses purges – l’occasion de témoigner concrètement de leur soutien aux religieuses, qui représentent une référence spirituelle indispensable dans le tissu ecclésial local. Il sera intéressant de voir quelle sera la position du Vatican face au soutien des laïcs, que les partisans du « chemin synodal » bergoglien semblent considérer comme importants dans l’Église. L’Association permettra aux fidèles d’aider les Religieuses avec des dons, des offrandes ou des legs, et plus tard, il sera également possible d’attribuer à l’Association les « 5 pour mille » avec la déclaration d’impôts.
Ceux qui souhaitent aider les religieuses peuvent ensuite envoyer leur offre sur le compte au nom de l’Association « Maria Tempio dello Spirito Santo » à la BancoPosta, à l’IBAN:
IT84Q0760114500001065644401
Si l’aide matérielle aux Moniales est certainement importante, non moins importante est l’aide spirituelle, que chacun de nous peut leur donner par la prière et la pénitence, rendant féconds ces jours de Semaine Sainte.
À la veille du Saint Triduum, au cours duquel nous contemplons les mystères de la Passion et de la Mort du Sauveur en préparation à la Pâques de Résurrection, nous sommes tous appelés, en tant que membres vivants du Corps mystique, à nous unir aux souffrances du Christ et de son Église. Cette passio Ecclesiæ, qui s’accomplit dans les fidèles et dans tout le corps ecclésial, représente une purification salutaire : elle nous montre, comme cela s’est produit il y a 1990 ans, ceux qui restent au pied de la Croix et ceux qui fuient, ceux qui nient le Christ et ceux qui suivent le Sanhédrin.
Accompagnons donc le Seigneur, avec un esprit surnaturel, sur le chemin du Calvaire. Suivons-Le, avec les saintes femmes et les nombreuses bonnes âmes qui L’aiment, dans l’immolation au Père pour notre salut et celui du monde entier. Et prions avec foi pour qu’Il donne de la force à ceux qui, aujourd’hui encore, complètent dans leur propre chair ce qui manque dans Ses souffrances, pour son corps qui est l’Église (Col 1, 24).
+ Carlo Maria Viganò, Archevêque
5 avril 2023
Feria IV Hebdomadæ Sanctæ
© Traduction de F. de Villasmundo